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Bouquet de mots 2024

En Novembre 2024, j’ai participé au concours d’écriture organisé par KOBO sur Instagram.
Un mot imposé par jour pendant 21 jours. 
Un texte à écrire comprenant entre 250 et 750 signes, espaces compris
Un bouquet de mots que je vous offre.  

Bretagne

« Flash Info du 14 juillet 2038, il est 8 heures.

Bison Futé prévoit une nouvelle journée noire sur les routes de Bretagne.

Depuis le Sud-Ouest, ça bouchonne depuis Niort sur l’A83. Sur l’A89, à la sortie de Lyon, les voitures sont à l’arrêt. Quant aux vacanciers partis de Nice pendant la nuit, ils roulent maintenant au pas sur la rocade de Vierzon.

Nous savons que vous avez hâte de retrouver les palmiers bretons et les logements de vacances aménagés sur les côtes depuis quelques années.

Patience et prudence, vous serez bientôt dans un des seuls endroits supportables de France en cette période de l’année.

N’hésitez pas à venir nous rendre visite dans les bureaux d’été de Radio France à Plougasnou ! »

Cavalcade

— Que sont ces cliquetis ?
— Un concert de courroies.
— Un concert ? Dites plutôt une cacophonie. Combien sont-ils ?
— Une quantité considérable !

Convergeant au confluent des couloirs de macadam, une cavalcade de biclous réclame plus d’équité dans l’espace public.

Emberlificoter

« S’il y a moins d’eau, ça impacte la biodiversité.
— Oui, mais ce n’est pas la seule cause. Il y a aussi la déforestation.
— Tu as raison. Je rapproche la carte.
— Pas trop ! On va devoir la relier aussi à l’agriculture.  
— Ah oui, c’est vrai. Bon, je la mets au milieu. »
Elle approcha le feutre vert de la grande feuille de papier posée sur la table.
« Attends, ce sont aussi des vecteurs de maladie.
— Quoi ? La déforestation ?
— Oui. Et la biodiversité.
— Punaise, tout est emberlificoté ! Les flèches vont forcément se croiser. Ça va être illisible.
— Si c’était simple, il y a longtemps que le problème aurait été réglé.
— Je propose Tout est lié comme titre de notre Fresque ! »

Rouille

Jean l’accompagnait pour son dernier voyage. Elle avait été dépouillée de tout ce qui pouvait être récupéré : verre, caoutchouc, électronique et même le plastique qui composait son intérieur autrefois cosy.

Arrivé à la décharge, il mit la main sur le restant de sa carcasse et, avant qu’elle aille rejoindre ses consœurs, il lui adressa un dernier :
« Rouille ma poule »

Chaudron

Au milieu de la place de Halles, trônait le Chaudron. C’était lui qui donnait le tempo de la journée pour que chacun puisse repartir de la fête avec des confitures pour l’hiver. Le Chaudron chauffait les derniers fruits de la saison, les abîmés et les moches. Telle une ancienne locomotive à vapeur, le Chaudron crachait des fumeroles à l’odeur sucrée. Aria aimait particulièrement cet endroit où l’esprit de coopération régnait entre celles et ceux qui s’en occupaient, à tour de rôle, découpant puis versant les fruits, touillant puis retirant des louches de mixture pour la déposer dans les pots stérilisés.

Extrait de la nouvelles Cultiver le changement du recueil Nuances Vertes

Epiphanie

« 5 degrés en un siècle, c’est la guerre partout. La déstabilisation des conditions environnementales ira à une vitesse telle, que le système va réagir en créant des conflits et des tensions partout.
Par exemple, vous avez ici le nombre de jours qui seront létaux avec une augmentation de température de +4 degrés. Il y a des endroits où il fera tellement chaud avec une humidité tellement importante que vous ne pourrez plus transpirer pour évacuer votre chaleur et donc vous mourrez d’hyperthermie. »

Cette conférence de Jean-Marc Jancovici, Ciel Mon Climat, fut mon épiphanie.

Sanglot

Les sanglots bloquaient sa respiration. Comment allait-elle faire sans lui ? Il était toute sa vie. Il connaissait tous ses secrets.

Accroupie sur le sol, elle prit sa tête dans ses mains, tâchant de calmer le flot des pensées qui la traversaient. Elle inspira profondément et souffla lentement.

Elle caressa du bout des doigts les restes éparpillés à ses pieds. C’était certain, son téléphone serait impossible à réparer.

Cime

— J’aime cette cime
— En plus, maintenant on voit au loin.
— Heureusement qu’elle est restée, celle-là.
— Notre grenier !
— Notre logement !
— Notre réserve à glands !
— Merci Grand-Maman d’y avoir installé notre famille.
— On a eu de la chance.
— On y est bien.
— Aaaaaaahhhhhh !

L’arbre s’effondra au bruit des tronçonneuses du chantier de construction du nouvel aéroport.

Murmurer

— Maman, où on va ?
— Dans un parc d’attraction, tu verras, c’est chouette.
— Les autres n’ont pas l’air de trouver ça chouette, répondit le petit en regardant les passagers du véhicule.
Sa mère haussa les épaules.
Sorti en premier, il demanda, tout excité :
— C’est là ?
Sa mère hocha la tête et se serra contre lui.
— Qu’est-ce qu’on entend ?
— Les manèges.
Ils entrèrent ensemble. Elle expliqua :
— Dans cette pièce, nous allons dormir et on se réveillera dans un autre monde.
Elle invita son enfant à se coucher auprès d’elle et colla son museau autour de son cou.
— Je t’aime, murmura-t-elle. Elle avait fait son possible pour lui éviter d’anticiper l’atrocité de sa condition : finir en morceau de viande.

Quadrilatère

Des haies touffues bordaient les allées du parc, délimitant de petits espaces de pelouse sur lesquels des habitants étaient allongés à l’ombre.
Des cris joyeux et des rires d’enfants s’échappaient d’un grand bassin rectangulaire.
Au contact de l’eau fraiche, toutes les tensions liées à la chaleur étouffante de la journée s’envolèrent. Je traversai la partie où les enfants avaient pied pour nager dans celle destinée aux adultes, au milieu des visages détendus et souriants.

Après ma baignade, étendue sur l’herbe, l’eau s’évaporait de mon corps, me faisant profiter encore pour un moment des bienfaits de ce bain de fraîcheur.
Et dire que cet endroit était autrefois un immense quadrilatère austère réservé au stationnement des voitures !

Attendri

C’était le grand jour, Paul était tout excité. Pour la première fois, il allait à l’école par ses propres moyens. Il avait encore répété le trajet la veille avec ses parents : piste cyclable, traversée du parc puis rue piétonne. Tout était parfaitement sécurisé.

Le père couvait son enfant d’un regard attendri. Il savait que son fils venait de faire un premier pas vers la liberté. La vraie. Celle qui lui permettrait d’aller où il voulait sans contrainte, dépendant uniquement de sa propre énergie.

Oraison

Ô raison,
Apprends-nous à prendre de bonnes décisions.
Apprends-nous à ralentir le rythme effréné de notre société.
Apprends-nous à choisir nos politiques avec finesse et lucidité.
Apprends-nous à construire ensemble une civilisation plus éclairée.
Apprends-nous à maintenir notre monde en dessous des +2 degrés.

Translucide

Avec son masque et ses bouteilles d’oxygène, Sarah observait, immobile, les eaux alentour. Protégée par sa combinaison, elle ne craignait rien des animaux translucides qui dansaient autour d’elle. L’oscillation régulière de leur cloche était telle une respiration qui semblait immuable. À l’inverse, chacune avait son rythme et sa physionomie propres, symbolisant la richesse de la diversité. Son cœur ralentissait en communion avec ce lent ballet majestueux.

Soudain, le mouvement d’une autre forme translucide, brutal, désespéré, attira son attention. Une tortue se débattait dans un sac plastique.

Eblouir

Kira frottait deux morceaux de bois l’un contre l’autre. Sentant un certain échauffement, elle insista. Soudain, une étincelle apparut. Son cœur bondit. Elle poursuivit tout en s’approchant de la paille qu’elle avait amassé à côté d’elle. Une brindille s’enflamma. Kira poussa un cri de victoire. Le feu se propagea. Le reste du clan accouru en hurlant de joie et d’admiration, ébloui par un tel progrès. Aujourd’hui, c’est lui qui nous aveugle.

Retrouvez le bouquet de mots du même challenge réalisé en 2021 : Bouquet de mots 2021

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